Andics Erzsébet: Kossuth en lutte contre les ennemis des réformes et de la révolution - Studia historica Academiae Scientiarum Hungaricae 12. (Budapest, 1954)

Introduction

2 ERZSÉBET ASDICS Ii Avant tout, il était plus prudent de passer sous silence que la guerre de VIndépendance, qui constitue un des chapitres les plus glorieux de l’histoire de Honigre et dont l’éclat n’a jamais terni dans la mémoire du peuple hongrois, fut en même temps une révolution, au cours de laquelle la société hongroise se partagea en deux camps adverses, le camp des classes révolutionnaires et celui des classes contre-révolutionnaires. Il valait également mieux ne pas discuter les grands problèmes sociaux et politiques qui, n’étant point résolus, avaient pendant cent ans durant constitué une matière inflammable au point de vue révolutionnaire et touchaient à des revendications pour la réalisation desquelles le peuple travailleur hongrois n’avait jamais cessé de rengager la lutte. Enfin, une dernière raison, non moins essentielle que les précédentes, devait retenir les historiographes bourgeois de la divulgation des tendances contre-révolutionnaires et des actes de haute trahison de 1848 —1849 : pareille divulgation eût fatalement démontré au peuple hongrois qu’en 1848—1849, les grands seigneurs, placés à la tête des affaires publiques et seuls bénéficiaires des ressources nationales, n’avaient point combattu l’ennemi aux côtés de leur propre peuple, mais avaient lutté contre leur propre peuple dans les rangs de Г ennemi. Il était interdit au peuple hongrois de savoir que, dans le domaine économique et politique, les positions-clé étaient occupées par les traîtres de 1848 —1849 ou par leurs descendants, et que, ceux-ci, pour la plupart, avaient obtenu leur fortune et leurs dignités après avoir trahi le peuple hongrois : en effet, les grands traîtres avaient été gratifiés de hautes charges, alors que les moindres se voyaient accorder des charges mineures. Il fallait de même passer sous silence les faits qui eussent démontré de quelle ampleur la trahison des grands seigneurs avait freiné la lutte sans merci, engagée par Kossuth et le peuple hongrois tout entier contre la tyrannie étrangère, et combien leur trahison avait contribué à ce que ce combat légitime qui avait suscité les sympathies de l’Europe progressiste et au cours duquel les meilleurs fils de la nation avaient versé leur sang dans l’espoir de la victoire, fut finalement voué à l’échec. A plus forte raison, l’ancienne historiographie hongroise ne voulut ni ne put signaler le fait que si Kossuth avait hésité de lutter contre l’ennemi »indigène«, c’est-à-dire contre l’ennemi intérieur, les »scélérats de l’intérieur«, il eût encore moins été capable de marcher à la tête de la lutte du peuple hongrois pour sa libération, à la pointe de la révolution, contre l’ennemi étranger. Yoilà pourquoi l’histoire de la contre-révolution intérieure de 1848—1849 demeura un des aspects les moins étudiés en même temps que les plus négligés de notre guerre de libération. Ces mêmes historiens qui aiment à se réclamer de leur »objectivité« scientifique, de leur attachement »impartial« à la »vérité historique«, n’ont pas du tout tenu compte des remarques pénétrantes, formulées par Marx et Engels au sujet de la révolution hongroise. En exposant les problèmes de la révolution hongroise de 1848—1849, à laquelle ils attachaient la plus haute

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