Révai József: Études historiques - Studia historica Academiae Scientiarum Hungaricae 10. (Budapest, 1955)

Liberté hongroise - liberté universelle

LIBERTÉ HONGROISE — LIBERTÉ UNIVERSELLE Il y a quatre-vingt-dix ans, Budapest était le théâtre d’une révolution La Jeunesse de Mars, composée de poètes et d’écrivains, de jeunes juristes et d’instituteurs, fit cause commune avec le peuple de Pest, les artisans, les jour­naliers, les ouvriers et les bourgeois, et, d’un geste résolu, engagea le pays dans la voie, largement ouverte, du progrès européen. D’un seul coup, la Hongrie des nobles devint le pays de la révolution. A l’appel lancé par les révolutions démocratiques d’Europe, le peuple hongrois donna le 15 mars une réponse retentissante. Sur le front du progrès démocratique européen et dé la liberté uni­verselle, l’on vit paraître Budapest aux côtés du Paris de la révolution de février et de Vienne, ville de la révolution de mars. Que tout Hongrois soit fier de cette journée qui marque une date mémorable dans l’histoire de son peuple, et fier aussi d’appartenir à la nation hongroise. La journée du 15 mars est la source intarissable de la conscience nationale hon­groise. En effet, l’histoire de Hongrie ne compte point que des épisodes dont il faut rougir : les Hongrois possèdent non seulement des Horthy, mais aussi un Lajos Kossuth, un Táncsics et un Petőfi. La Hongrie officielle fête, elle aussi, l’anniversaire du 15 mars 1848. Mais combien ces solennités respirent la contrainte, combien elles sont menteuses! Les maîtres de la Hongrie actuelle ne s’efforcent guère de cacher qu’ils n’ont rien de commun avec le 15 mars, avec l’esprit de la révolution bourgeoise démo cratique hongroise. Qu’ils aillent fêter Mihály Táncsics? Mais Táncsics n’a pas seulement été renié par la Hongrie contre-révolutionnaire : la Hongrie «libérale» d’avant la guerre l’a répudié, elle aussi. Elle avait honte de Táncsics et faisait autour de lui la conspiration du silence. Le champion inexorable de la paysannerie hon­groise s’est vu interdire l’accès du panthéon national où toutes les places sont occupées par les Zápolya, Werbőczy, Jenő Rákosi et István Tisza. On a voulu travestir Petőfi en poète de l’amour et de la paisible idylle. La dépouille mortelle du poète révolutionnaire, tombé au champ de bataille de la liberté, fut couchée «dans un lit, sur des coussins». On vola l’épée que le poète des opprimés tenait en sa main, et voulut faire croire que la lyre qu’il «faisait 1 Studia Historica 10.

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