Révai József: Études historiques - Studia historica Academiae Scientiarum Hungaricae 10. (Budapest, 1955)

Liberté hongroise - liberté universelle

4 J. RÉVAI part toujours plus large des pâturages dont disposaient les serfs. De plus, la plupart des serfs manquaient aussi de terres. En 1848, il y avait, outre les 600000 serfs possesseurs de tenures serviles, plus de 900 000 familles de serfs sans le moindre lopin de terre. Les serfs entendaient posséder des terres libres sur lesquelles ils pouvaient travailler pour leur propre compte. Ils désiraient que les censives devinssent leur propriété libre et que les redevances seigneuri­ales fussent abolies. Avec le temps, il s’avéra que la terre libre et la propriété terrienne bour­geoise servaient aussi les intérêts d’une part considérable de la noblesse. La cor­vée était accomplie d’une manière déplorable et la dîme rapportait de moins en moins. L’atavicité* grevait la propriété terrienne nobiliaire : il était interdit de vendre ou d’hypothéquer les terres de la noblesse. Et c’est ainsi que le noble, désireux de faire des investissements, n’obtenait point de crédit, mais tombait dans les griffes de l’usurier. Après les guerres napoléoniennes, la noblesse hon­groise s’endetta rapidement. Depuis longtemps déjà, elle avait dépassé le stade de la production féodale des denrées et produisait pour le marché. Cependant, elle vendait son blé à vil prix, parce que l’industrie et le commerce étaient peu développés et que les communications et transports souffraient de l’état déplo­rable d’un réseau routier insuffisant. Aussi la noblesse se rallia-t-elle de plus en plus au programme de la transformation bourgeoise du pays. Evidemment, la bourgeoisie ne pouvait se développer qu’avec lenteur et difficulté. Et pourtant, depuis le début du siècle, la bourgeoisie des villes était devenue plus robuste, et cela malgré les entraves féodales. Le blocus continental, au moyen duquel Napoléon voulut isoler son adversaire principale, l’Angleterre, avait donné l’essor au commerce hongrois. Les commerçants de Budapest, Győr et Presbourg profitaient, eux aussi, du fait que le commerce des épices orientales dut reprendre la voie continentale et acheminait ses mar­chandises en passant par la Hongrie. Depuis les guerres napoléoniennes, les exportations de laine, de blé et de bétail hongrois s’accrurent, elles aussi. Certes, après ces guerres, le pays connut une profonde crise économique : la dette publique accula l’Autriche à la banqueroute. On dévalua la monnaie : le florin papier se substitua au florin argent, ce qui compromit la consolidation du com­merce et le développement capitaliste de la propriété terrienne nobiliaire. Cependant, cette crise ne fit qu’approfondir le mécontentement, sans toutefois rétablir la Hongrie du XVIIIe siècle. Le capitalisme avait ouvert une brèche dans l’ordre économique du féodalisme : ce fait était désormais indéniable et rien n’y pouvait changer. Les manufactures sapèrent les fondements du régime exclusif des corporations, * L,atavicitê est une notion de droit coutumier féodal : il s’agit là d’une institution qui» parce que faisant obstacle à l’achat et à la vente, de même qu’à l’aliénation des terres nobiliaires, rendait extrêmement difficile l’ouverture de crédits en faveur des propriétaires terriens.

Next