Révész Imre: Études historiques - Studia historica Academiae Scientiarum Hungaricae 15. (Budapest, 1957)

1 LAMENNAIS ET LES HONGROIS Par ÉMERIC RÉVÉSZ En guise d’introduction Dans la période de près de deux décades qui sépare la révolution de Juillet et celle de Février, les esprits progressistes de presque tous les pays d’Europe occidentale et orientale ont ressenti un vif intérêt pour la personnalité, la pensée, l’oeuvre brillante et non ternie jusqu’à ce jour du grand abbé français, de cet homme qui, par une évolution exceptionnellement et dramatiquement intéres­sante, se transforma de contre-révolutionnaire d’inspiration théologique en révolutionnaire politique et social. En Hongrie aussi, c’est au cours de ces deux décades que prirent corps tout d’abord certaines tentatives de réforme législative ouvrant un champ à l’évolution bourgeoise capitaliste ; ensuite, le triomphe de ces aspirations ayant été sans cesse compromis par la grande propriété féodale, liée aux Habsbourg par un alliance pour la vie et la mort, c’est dans la même période que l’on vit mûrir dans le pays les conditions préalables de la révolution bourgeoise elle-même. Aussi était-il naturel que la personnalité, les activités et les écrits de Lamennais — et avant tout, cela s’entend, les «Paroles d'un croyant» — eussent captivé l’intérêt de l’opinion progressiste hongroise de l’époque. Tel est le sujet auquel j’ai consacré la version hongroise de l’étude que l’on trouvera dans ces pages, version où, pour la première fois dans l’historiographie hongroise, je me suis appliqué à recueillir et à analyser l’influence, sur l’ère des réformes et le mouvement de libération hongrois, de ce grand homme et grand écrivain aux tragiques destinées. En Hongrie, cette influence s’épanouit rapidement, pour s’effacer ensuite non moins hâtivement : ce n’est que sporadiquement, ou à la faveur d’un heureux hasard, que le chercheur en retrouve les lueurs, cachées sous la cendre, dans la période de la Révolution de 1848, et dans les décades suivantes, où les traces se font encore plus rares. J’ai complété le matériel consacré aux aspects hongrois du problème par une courte biographie de Lamen­nais et une esquisse appréciative de son évolution et de ses activités : là encore, il s’agit de questions que l’historiographie hongroise n’a point encore tenté d’éclairer. Voilà sous quelle forme, en été 1953, à la veille de l’année du centenaire de la mort de Lamennais, j’ai présenté mon étude à la IIe Section (Sciences sociales et historiques) de l’Académie des Sciences de Hongrie. Désireuse de rendre hommage à la mémoire de cet illustre Français, la 1 Studia Historica 15.

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