Révai József: Études historiques - Studia historica Academiae Scientiarum Hungaricae 10. (Budapest, 1955)

Liberté hongroise - liberté universelle

La leçon, pleine d’actualité, que notre génération peut tirer de ce mois de mars d’il y a quatre-vingt-dix ans et de la guerre de l’Indépendance hongroise, c’est que la cause de l’indépendance nationale ne deviendra une cause sacrée que si elle s’enchaîne à celles du progrès européen et des intérêts des masses populaires. A condition d’être unie dans la lutte pour la liberté, une nation peut résister même à des conquérants étrangers supérieurs en nombre : les campagnes victorieuses de la guerre de l’Indépendance hongroise en sont la preuve vivante. I L’Ere des Réformes En 1848, l’abolition du féodalisme et la suppression des entraves contra­riant la transformation bourgeoise du pays constituaient le problème majeur préoccupant la Hongrie. Dès le début du XIXe siècle, les meilleurs fils de la nation l’avaient compris : une vie nouvelle devait naître, car la Hongrie du «crachat et de la pipe» des nobles — c’est l’expression même de Széchenyi — allait s’écrouler. Le ralliement contre l’ordre féodal ne s’accompbssait que lentement et d’une manière inégale, mais il progressait quand même. Les luttes du renouveau littéraire, avec Kazinczy et Kölcsey à leur tête, créèrent la nou­velle langue et littérature hongroises : dirigées contre l’usage nobiliaire de la langue latine, elles amorcèrent la transformation bourgeoise dans le domaine linguistique et littéraire. A la Diète de 1825, Széchenyi paraît dans Carène politique : l’on voit se déclencher le mouvement des réformes sociales et politiques qui prépara la révolution de 1848 et en fut le prélude. A la fin des années 40, il y avait déjà dans toutes les classes sociales hongroises des hommes qui comprenaient que, désormais, toute vie était devenue impossible dans un pays rivé aux chaînes du féodalisme. Or, ces chaînes faisaient cruellement souffrir dix millions de serfs. Et, face à l’immense majorité de la population, l’on voyait se dresser un demi­­million de nobles. Et combien la vie des serfs était misérable! Eux seuls payaient les impôts, tandis que la noblesse jouissait d’une complète exemption fiscale. Un cinquième de la récolte des serfs passait aux mains de l’ordre seigneurial sous forme de neuvièmes, payables au seigneur, et de dîmes, perçues par le clergé. En plus de la dîme, le serf devait à son seigneur la corvée : le serf avait à accomplir sur les terres seigneuriales 104 journées de travail à pied (ou 52 journées de charroi). Les travaux publics du comitat étaient également à sa charge, et le racolage des recrues s’opérait aussi parmi les fils de serfs. Le seigneur terrien était le juge de son serf. Défense au serf de chasser, de pêcher, de détailler son vin ou de vendre la viande de ses bestiaux. Par la pratique du «démembrement» des terres communes, le seigneur terrien s’attribuait une LIBERTÉ HONGROISE — LIBERTÉ UNIVERSELLE 3 1*

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